Publié le 12 Mai 2024
Dans le dernier article sur le salut politique possible, il était fondamental de comprendre que la situation socio-économique que nous vivons (en France et en Occident) est instable : de grands équilibres sont rompus (écologique, militaire, économique, sociologique, etc.) et il est nécessaire de trouver une nouvelle position "globale" pour les sociétés les plus avancées dans l’ère industrielle (dont la France, bien sur) afin de maintenir la structure socio-économique actuelle (mêmes infrastructures, mêmes système politique, etc ....) .
Or quelle est actuellement la principale contrainte sur nos sociétés ? (Avant même la baisse des ressources, cf. la modélisation du rapport Meadows en 1972 J’ai fait une évaluation des données du modèle World3 qui prévoit l’effondrement global. Voici ce que j’ai trouvé. | by Jancovici | Medium .
Roulement de tambours : Il s’agit de la baisse de population.
Or si la croissance démographique s’accompagne nécessairement d’une croissance économique (s’il y a plus de consommateur : il faut produire plus et le surplus économico-social (le « Luxe ») est plus important). La décroissance démographique s’accompagne également d’une décroissance économique (pour les raisons exactement symétriques de la croissance démographico-économique) avec un « Luxe »(le surplus) qui s’effondre.
La première adaptation proposée à cette contrainte, la plus facile, celle qui ne posait problème à personne, était de compenser la décroissance démographique prévisible par de la croissance technologique. Mais deux problèmes sont apparus :
1- Les ressources énergétiques sont en train de baisser pour des raisons physiques. Il y a eu une tentative pour remplacer les énergies fossiles par d’autres énergies plus "durables" mais il est manifeste pour toute personne qui sait poser une règle de trois que c’est un échec. Les énergies "durables" sont à mettre en place (de manière rationnelle …) mais elles sont juste un « amortisseur de la baisse » et non un substitut aux énergies fossiles.
2- La complexité technologique pour remplacer un humain (par exemple le rêve de la robotique au japon) est au delà des capacités actuelles de nos sociétés. Le remplacement d'humains par des machines est certes possibles à petite échelle (IA notamment) mais sera trop consommateur de ressources pour que cela soit une solution à l’échelle d'une société.
Le Japon, qui est en avance de cycle sur le reste de la planète sur cet aspect, a expérimenté cette solution et passe maintenant à une autre stratégie devant le cul de sac du "tout robot".
Il restait donc trois facteurs prépondérants (d’autres facteurs existent mais sont beaucoup moins "essentiels") pour répondre à la crise de la contrainte démographique. Ces trois facteurs seront impactés pour établir le nouvel équilibre de la société (aucun de ces facteurs ne continuera exactement au niveau d' "avant") mais l’un de ces facteurs devra être complètement "sacrifié" pour permettre au « système » français de perdurer globalement … encore …. un peu.
Sur quels leviers pouvons nous donc agir ?
ils sont trois :
- L’économie
- L’immigration
- Le "féminisme"
Le premier levier possible est le sacrifice de l’économie. Basiquement cela consiste à réduire le train de vie de toute la population française afin de pouvoir concentrer les ressources dégagées sur ce qui est indispensable et utile à à la société (une "retraite organisée"). Cela n’est pas une réduction mathématique pour tous : Un campagnard habitué à une vie rustique et locale ne verra quasiment pas de changement dans son mode de vie. Par contre, le citadin habitué à prendre l’avion et à acheter des plats tout préparés en travaillant dans un bureau sur une « abstraction d’abstraction » (« Bullshit job » !) connaîtra sans doute un changement quasi complet de son mode de vie.
La majorité de la population sera entre ces deux extrêmes.
Ce choix n’est toutefois aujourd’hui pas possible à court/moyen terme. Cela ne veut pas dire que le niveau de vie ne baisse pas ( La baisse a commencé dans les années "1970" avec une accélération depuis 5-8 ans) mais des forces politiques puissantes vont s’opposer ou au moins fortement limiter ce mouvement à court terme :
La première force, c’est le fait que l’oligarchie française actuelle (étatique ou non) repose sur la force économique. Elle voudra donc limiter au maximum la baisse de l’économie liée à la raréfaction des ressources (par exemple en tentant d’envahir un pays riche en ressources naturelles, en levant des impôts « exceptionnels », en "QRcodisant" la société) pour faire tenir « encore un peu » la machine économique nationale sous sa forme actuelle.
La seconde force, c’est la religion du progrès qui est encore bien présente dans notre société.
Personne (enfin l’écrasante majorité….) ne peut concevoir que sa propre situation va se dégrader de manière irrémédiable pour soi et ses proches (descendants, collatéraux, cercle amical, etc ….). C’est l’inverse de ce qui s’est passé depuis 3 ou 4 siècles.
Il n’y a qu’à voir les appels démagogiques des hommes politiques de droite ou de gauche : C’est systématiquement l’appel à plus de technologie (le « progrès », notamment numérique) et à relancer la machine économique (la « croissance »).
Et la masse populaire répond toujours positivement à ces appels à du "toujours plus" (notamment lors des élections), preuve qu’il n’est pas encore possible d’avoir un programme adulte d’adaptation aux ressources disponibles (toutefois avec la perte de l’Afrique, il est possible que la France n’ayant plus accès à des ressources extérieures découvrent plus rapidement l’austérité que d’autres pays occidentaux).
L'économie et le niveau de vie associé ne sont donc pas, a priori, un levier possible pour trouver un nouvel équilibre à court terme.
Le deuxième levier possible, c’est la continuation de l'immigration. En effet, pour compenser la baisse d'une population, si vous voulez maintenir le même niveau d’activité économique sur un territoire géographique donné, il est nécessaire d’importer une population d'un autre territoire. C’est le choix qui a été fait en France depuis 1962 (à l'époque c'était pour des raisons sensiblement différentes mais depuis les années 80- et l'explosion du chômage, c'est bien la baisse de population qui est prise en compte par nos "élites" françaises et européennes).
En résumé : pour compenser la baisse de natalité, il a été décidé d’ouvrir les frontières afin d’accueillir des populations "différentes", selon le calcul simpliste qu'un humain est remplaçable par un autre humain sans tenir compte des spécificités de chacun (une vision très "machiniste" de l'homme, encore un avatar de la "religion du progrès").
L’avantage était double : d’un côté vous aviez les « mains nécessaires » pour faire tourner la machine économique, de l’autre le niveau de vie des arrivants étant faible, il était moins demandeur d’une part de la richesse nationale que les "autochtones". Le surplus pour les propriétaires des moyens de production était donc accru.
Bien sûr, ce double avantage était temporaire car :
- Les descendants des nouveaux arrivants, comme les autres « résidents » du pays, demandent la même part de richesse et les mêmes tâches professionnelles « faciles ».
- L’assimilation ayant, pour diverses raisons (mépris du culturel, mépris de l'éducation, mépris du religieux, etc ....), été mal menée : La reconnaissance de l' "état-nation" comme autorité suprême n'est plus d'actualité pour une part de plus en plus significative de ces populations "importés". Dans ce cas, comment seront arbitrés les choix de société si l'arbitre n'est pas le même suivant la population concernée au sein de la nation ? G Collomb a bien résumé la situation : « Nous serons bientôt face à face ». Ce n'est pas une situation d'équilibre pour une société .....
Point particulier à noter : "rapidement", il n'y aura plus assez de population à l'échelle de la planète au vu de la baisse démographique globale (même en Afrique....). Ce qui par nature va limiter les flux et établir une concurrence entre les états sur la "ressource humaine". Ce n'est pas pour tout de suite, mais je suis persuadé que nos élites franco-européennes ont cru anticiper la prochaine course à la population des Etats en essayant de s'assurer (dans les années 80....) des flux avant les autres mais sans prendre en compte les difficultés dans leur aveuglement épiméthéen (cf la fameuse déclaration de Merkel "Nous y arriverons", cela transpire la réflexion….).
Bien sur, il est évident que pour des élites à courte vue (comme celle de la France....), l'immigration était la solution à privilégier par rapport à toutes autres solutions. Sans doute pas dans un but de destruction : il est difficile de croire que le but d'une élite soit de détruire sa propre civilisation. Ce ne peut pas être le but d'une élite qui, au contraire, profite, de manière souvent abusive, de cette civilisation.
L'explication consiste plutôt dans ce la décadence des élites, incapables de voir les conséquences à long terme et leur responsabilité vis à vis de "leur" population. Ce laxisme aura permis de faire tenir le système pendant 40/50 ans et de maintenir leur position ..... à court terme..... sans l'effort d'une confrontation au réel.
...... Mais, comme signalé (notamment par G. Collomb cf supra), les avantages de l’immigration vont en s’amenuisant, tandis que ses inconvénients augmentent.
Le levier de l’immigration pour compenser la baisse de population n’est donc sans doute plus possible. La pression sociologique va rapidement conduire soit à une fermeture des frontières, soit à un éclatement de la société (Peu probable en France néanmoins : le pays a des ressources pour mettre au pas des populations "turbulentes". Mais dans un tel cas, les élites changent....d'où le refus des élites actuelles de passer à l'action mais, "à un moment", la pression sera trop grande....). Pour des raisons sociologiques, les frontières vont se fermer (sans doute à court terme). Cette adaptation n’est donc pas non plus possible, à court terme, pour faire tenir le système.
En effet, il y a une forte corrélation INVERSE entre le statut des femmes dans une société donnée et le nombre d'enfants par femme. Corrélation n'est pas causalité mais il est manifeste que si le statut des femmes n'est pas corrélé au nombre d'enfants qu'elles produisent, elles n'ont aucune incitation (dans le sens socio-économique) à faire l'effort d'avoir de nombreux enfants (d'autres facteurs "corrélés" peuvent également jouer : la vie citadine, la durée des études, etc … mais la cause principale me semble être le statut de la Femme).
Je parle d'effort car pour une femme la grossesse est une épreuve dans sa chair (contrairement à l'homme..) sans parler ensuite de l'investissement économique pour le couple (aujourd'hui quasiment impossible au vu de la baisse du niveau de vie, quand une éducation correcte est cherchée…).
Attention : J'utilise le terme générique de féminisme pour désigner toute idéologie qui promeut la reconnaissance similaire des hommes et des femmes et qui donc promeut un statut basé sur les mêmes réalisations.
Pour éviter tout malentendu, je suis tout à fait favorable à l'égalité JURIDIQUE entre un homme et une femme mais il me semble qu'une société qui demande à ce qu'une femme effectue les mêmes tâches qu'un homme pour être valorisée, n'est pas une société fonctionnelle (Les sociétés qui ont militarisés les femmes, par exemple, l'ont vite regrettées).
Après ces éclaircissements, Il est manifeste que dans un monde où une baisse de population significative apparaît, où il sera impossible d'organiser un reflux du niveau de vie "adapté" ou une immigration "constructive", l'adaptation efficace ne pourra d'abord venir que d'une remontée du nombre de naissance sur le sol national. Or ceci ne sera possible que si le statut des femmes tient compte à nouveau du nombre d'enfants (et de l'éducation qui leur est donné….).
Ce changement de statut ne sera sans doute pas un changement brusque mais plutôt un glissement lent (sur quelques décennies, sans doute 20 ans, le temps d'une génération environ) vers une société "natalo-centrée".
Vu que le manque de ressources (visible à travers la dette publique) interdit maintenant le clientélisme et une politique nataliste "récompensante", j'imagine que cela prendra la forme de contraintes pour celles qui n'ont pas eu le "bon" nombre d'enfants (difficulté pour avorter ou avoir accès aux contraceptifs, moindre soins médicaux, dégrèvement des droits à la retraite pour le couple, etc.....).
Je soupçonne fortement les féministes actuelles qui hurlent que les "femmes ne sont pas des ventres pour enfanter" d'avoir compris cela. Malheureusement, pour des raisons à la fois d'incompétence et de conflit d'intérêts (cf voir article précédent), elles ne cherchent pas réellement à gagner ni même à comprendre ce combat.
Il est d'ailleurs intéressant de noter que si les femmes sortent du salariat et "retournent" au foyer, il y aura sans doute à la fois un regain de natalité mais aussi également une baisse économique significative puisqu'une partie de l'activité du "foyer" aujourd'hui externalisée (à cause des femmes au "salariat") sera à nouveau effectuée sans flux économiques "investissables" ou "taxables". Il est donc normal que le Grand Capital, l'Etat et le Féminisme Politique soient des alliés pour éviter une telle évolution.
Cette évolution peut néanmoins prendre différentes formes et dès aujourd'hui des stratégies sont possible à une échelle "locale" pour éviter une évolution trop draconienne dans ce changement de statut. Maintenir une place centrale des femmes dans la religion est une des pistes qu'il est possible d'explorer (voire même passer un pacte dans l'occident (un nouveau nouveau "testament" étymologiquement) pour protéger celles qui veulent maintenir une certaine autonomie (qui engendre toutefois une responsabilité supplémentaire....), autonomie non admise dans la religion du djinn-qui-a-réussi)
Je souhaite voir ces stratégies d' "amortissement" mises en place car je n'ai pas envie que les femmes de mon entourage soit considérées, dans un avenir proche, comme ne valant que la moitié d'un homme (au moment de l'héritage notamment...) ou comme d'éternelles mineures.
L'évolution que l'on peut attendre est donc, suivant ces hypothèses :
- Un maintien approximatif du niveau de vie pour la population dans son exemple (une pente descendante mais sans chute brutale)
- Une fermeture des frontières nationales et un retour à une assimilation forte des populations d'immigration (la grande question est : Quelle sera la culture de référence en France d'ici 10-20 ans ?)
- Un changement des marqueurs du statut social de la femme et son retour dans l' "économie domestique"
La difficulté de l'évolution qui est devant nous est de reconnaître son évolution inéluctable (actuellement beaucoup de personnes sont dans le stade du déni en ignorant les contraintes écolo-économique) mais également de voir la subtilité de défendre une égalité juridique homme/femme tout en prônant/anticipant un retour des femmes dans l'économie domestique.
Une femme émancipée (même si elle a une place "a priori" dans l'économie domestique) correspond à la culture européenne atavique (les deux sexes sont différents mais égaux). Ceci est visible, par exemple, dans le statut de la femme dans l'antique Irlande, "matrilinéarité" picte et bretonne, etc...
Une femme non émancipée ( qui sera obligatoirement dans l'économie domestique) correspond à la culture orientale (les deux sexes sont différents et inégaux). Ceci est visible dans l'institution de la femme comme butin de guerre (un mode de recrutement classique de jeunes "soldats" qui suppose l'acceptation dans la loi et dans la culture de la polygamie et du concubinage, non reconnu à l'ouest du Bosphore....).
C'est cela qui est en jeu à travers la réponse à cette première contrainte : la définition d'une des règles de base dans l'organisation d'une société.
Ce combat est subtil mais il est essentiel qu'il soit compris par les hommes et ..... les femmes pour éviter que certaines valeurs intéressantes de nos sociétés soit "oubliées" durant la chute vertigineuse est devant nous. Et que cela donne l'occasion à certains, "mieux préparés", de nous inféoder de gré ou de force à des idéaux inégalitaires, notamment lorsqu'ils sont soumis à des "puissances" d'une nature autre que matérielle...